jeudi 26 février 2009

Le temps des questions


Rosa est maintenant très épanouie scolairement, en classe ça se passe très bien, elle a la chance d'être tombée sur un enseignant formidable.
je le dis et le re-dis, non pas parce que je suis secrètement tombée amoureuse de lui, comme le soupçonne mon amie R. :-), mais parce que je mesure bien notre chance.

Pour avoir écouté des parents d'enfants handicapés, je sais que tous les enfants n'ont pas la chance de tomber sur un enseignant qui va avoir la curiosité de passer des soirées à faire des recherches sur un handicap auquel il est confronté pour la première fois et sans même attendre l'avis d'une enseignante réfèrente fantôme de l'académie, mettre en place des stratégies pour adapter sa pédagogie à une seule élève, alors qu'il a déjà une classe à double niveau. Les enseignants qui me lisent apprécieront la prouesse.

En plus humainement il est vraiment génial : intelligent, drôle, sensible et ferme à la fois avec Rosa qui a tellement pris confiance en elle que, sans aucune aide de notre part, elle a révisé tout son programme d'histoire depuis la rentrée et obtenu un 20/20, la meilleure note de la classe. C'est la première fois qu'elle a la meilleure note de la classe pour une autre matière que la poésie.

Vous imaginez bien comme ça a pu conforter sa confiance en soi (elle ?)

Lorsque son enseignant me l'a annoncé, il m'a dit être content et fier, ça se voyait et ça faisait plaisir à voir. Il y a une vraie complicité entre ces deux-là.

Du coup elle a repris du poil de la bête et même si les élèves sont toujours aussi méchants avec elle, je l'ai constaté pendant 3 minutes en allant la chercher à la cantine, pour la première fois elle ne veut plus changer d'école car elle se sent bien avec "son maître".

Le problème c'est que non seulement les enfants sont de plus en plus méchants avec elle, elle sert toujours de souffre-douleur, mais comme en plus maintenant elle a de bons résultats elle est traitée de "chouchou du maître". Elle n'a pas perdu son statut de "périmée", mais en plus maintenant ils écrasent sa si fragile confiance en lui disant que si elle a de bonnes notes, c'est parce que son AVS répond aux questions à sa place.

Bien entendu à la maison nous lui prouvons le soir que ce ne sont que des médisances, mais après avoir entendu des propos aussi négatifs pendant 8 heures, comment faire pour inverser la tendance en quelques heures le soir ?

Elle n'a pas les clefs pour une meilleure insertion sociale et je suis bien démunie pour l'aider, mais je ne veux pas attendre qu'elle soit en plus grande souffrance.

J'ai pensé un moment lui faire l'école à la maison pour la protéger, mais elle aime l'école et je ne pense pas que dans l'absolu ça l'aide à faire sa place dans la société.

J'ai bien envie de la changer d'école pour qu'elle intègre un établissement scolaire dans lequel elle n'aura pas un aussi lourd passif, mais non seulement la fuite ne m'a jamais semblé être une solution, mais en plus rien ne dit qu'elle sera plus à l'aise dans ses rapports sociaux en changeant d'école. Sans compter qu'elle serait confrontée au bouleversement de tous ses repères, ce qui est le plus déstabilisant pour un enfant dyspraxique : cornélien !

Bientôt aura lieu une réunion de suivi, j'essaierai d'échanger à ce sujet le plus franchement possible, car à mon niveau je sens que là je ne vais pas trouver de solution.

Afin de ne pas ajouter à ses difficultés et éliminer des causes de rejets sur des critères physiques, toute la famille est au régime. Je n'ai jamais été une adepte du régime et il est vrai que mon mari et moi avons du surpoids et que Rosa s'est arrondie sous notre oeil bienveillant, car elle a toujours mangé avec gourmandise et plaisir. Comme à côté de ses frères très minces, elle me semblait rassurante (la perte de poids rapide lorsqu'ils sont malades qui fait apparaître les côtes de mes garçons est quelque chose qui m'a toujours stressé), je ne mesurais pas les conséquences que cela pourrait avoir pour elle à l'école, car elle n'est pas non plus "grosse".

Mais le fait est qu'en quelques jours, entre les activités sportives pendant les vacances et une diminution drastique du nombre de desserts, elle a déjà perdu le partie la plus charnue de son "joli bidon de l'enfance". Nous allons l'aider à grandir, à être mieux dans sa peau et en profiter pour améliorer nos propres santés.

Elle râlait au début, mais elle aime le sport et a rapidement constaté que quelques centaines de grammes en moins lui permettaient de gagner son petit frère à la course. :-)

Professionnellement je suis également en pleins questionnements. J'ai des envies de progression hiérarchique, des opportunités qui peuvent se présenter et qui me contraindraient à faire passer, pour la première fois de l'histoire de notre couple, ma carrière professionnelle avant celle de mon mari. Ce qui signifierait, bien entendu, que lui soit plus disponible pour amener Rosa à ses nombreux rendez-vous hebdomadaires et prendre le relais dans l'organisation de notre vie de famille.

Sur le principe il est d'accord et m'y encourage en disant qu'au besoin dans quelques mois il demandera à passer à 80% afin de s'occuper à son tour des enfants pendant que j'avancerai professionnellement, il n'empêche qu'il passe en ce moment même des entretiens professionnels qui lui permettront sans doute d'accéder au poste de ses rêves (pour lequel je l'ai vivement encouragé pendant plus de 10 ans), mais qui le ferait voyager à l'étranger très régulièrement et serait totalement à l'opposé de ce qu'il se dit prêt à faire pour me permettre d'évoluer professionnellement.

Du coup j'attends de voir comment ça évolue pour moi, mais je me demande s'il souhaite sincèrement que j'avance professionnellement ? Nous avons toujours dit que nous ferions le nécessaire pour être l'un ou l'autre présent pour nos enfants, mais est-il clair dans sa tête que je ne dois pas être la seule à faire des concessions professionnelles ?

D'un autre côté je l'ai toujours tellement encouragé à se battre pour obtenir ce type de poste que je me sentirais coupable de l'empêcher de l'atteindre aujourd'hui pour égoïstement (enfin !) m'épanouir dans mon travail. Mais dans la vie il y a des impondérables comme de découvrir que son enfant et handicapé et changer ses plans, non ?

Bref ! Beaucoup de questions, mais pour l'instant j'ai juste demandé à mon mari de réclamer à son travail un aménagement d'horaires pour rentrer deux fois par semaine assez tôt pour s'occuper des enfants dès la sortie de l'étude (18h), afin que je puisse aller faire du sport pour me défouler car je me sens très proche des limites de ma résistance, alors j'attends de voir s'il le fera, ce sera de sa part un signe fort de son investissement dans l'équilibre de notre vie de famille.